Dégustation verticale du Tertre Rôteboeuf
Tasted April 5, 2018 by d'Artagnan with 637 views
Introduction
Quelques propos de François Mitjaville, glanés parmi de beaux textes envoyés par Jean Parent.
"Le Tertre Rotebœuf (premier millésime 1978) est le terroir le plus exotique et le plus fragile de la côte sud. Ce sont des argiles froides et humides. Il requiert une longue et lente maturation du fruit, que l’on obtient grâce à une exposition très chaude, presque méditerranéenne. Le Tertre est un petit morceau de rocher qui s’avance comme une péninsule et tombe de tous côtés, avec un climat de type sud, sud-est, de type bourguignon." Dans le vin, il y a toujours plus que le vin. Rien de plus ennuyeux que les types qui ne savent parler que de vin.
Idéalement situé sur la côte sud de St Émilion (consacrée, en Bordelais, comme la plus haute expression des vins de côte), Tertre Roteboeuf en est probablement le terroir le plus exotique.
Ce vignoble, d'origine gallo-romaine, bénéficie d'un méso-climat rare, car uniquement composé de hauts de coteaux orientés sud-sud-est (légèrement vers le soleil levant).
Le terroir argilo-calcaire donne des vins de type profond, amples et structurés. La vinification tient compte d'un raisin récolté parfaitement mûr et d'une longue cuvaison (vin riche en saveur, de longue garde).
L'encépagement est de 80 % Merlot, et 20 % Cabernet Franc.
Les millésimes sont très différents (pas de second vin), mais se caractérisent par une belle couleur sombre, un nez profond de fruits très mûrs. En bouche, les vins sont charnus et présentent une belle richesse aromatique, évolutive. Ce crû est souvent qualifié comme « le Bourgogne des Bordeaux».
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Pas au niveau des 1992 et 1997, autres "petits" millésimes.
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La bouche est admirable, un joyeux mélange de fruit mûr exotique et de finesse classique. Plus large et complet que le 1998, auquel il ressemble, c’est plein, gourmand, presque cochon, avec une longueur exceptionnelle. Je veux me rouler dedans tellement c’est bon! Encore une fois, un très grand vin, qui entame à peine son plateau de maturité. 98 pts
Closing
En terminant, quelques pensées sur le vin de cru, par François Mitjaville, qui donne un bel aperçu de la personnalité forte de ce personnage, un intellectuel du vin, qui produit des vins ma foi beaucoup plus hédonistes que l'on croirait à le lire! :)
Qu'est-ce que le vin de cru ? Pensons au verbe croître : l'émotion que procurent ses saveurs provient de son origine, du lieu où grandit la vigne, et de l'année où fut récolté le fruit.
Qu'est-ce que l'appellation d'origine ? Cela recouvre une notion d'authenticité, à la fois dans la saveur du fruit et dans l'usage régional, le savoir faire.
Nous sommes en présence d'un produit d'origine et de civilisation, dans un équilibre que l'on souhaite harmonieux.
Trop authentique, trop « naturel », et le vin est rustique, grossier (le chemin le plus aisé étant le vin aigre).
Trop de savoir faire, trop présomptueux, et ce n'est plus le cru qui appose sa signature, c'est l'homme : cela devient un vin de créateur, ou un vin de marque, de technicien. Il perd son émotion essentielle dont la source est le caractère incompréhensible du fruit, de très haut niveau quand il s'agit d'un grand terroir.
Il faut comprendre qu'il s'agit d'un mariage entre nature et culture, chacune devant servir l'autre.
Pour cela, il faut un grand terroir et une grande culture. Qu'est-ce qu'un grand terroir, qu'est ce qu'une grande culture ?
Un grand terroir est une situation agricole extrêmement favorable à la saveur des fruits de la vigne. Une grande culture est une vieille civilisation dont les multiples générations ont approfondi la connaissance et le savoir faire adapté à la réalité locale, à la réalité agricole du cru.
S'il s'agit d'un cru de haut niveau destiné à produire un vin de garde, il ne s'agira pas de produire un vin noir-violacé, rustique et impressionnant, mais bien évidemment un vin élaboré, ouvragé, de couleur mature et de goût savoureux, dont les parfums se dégraderont en de multiples nuances avec le temps qui passe.
Il s'agit également d'exprimer les saveurs variées que nous avons suivant les années (pour cela je produis des millésimes purs, sans sélection ni second vin).
Mais le caractère du cru ? Je ne sais pas et il me semble que nous sommes responsables de ce que nous ratons dans les vins, mais non de ce qui est réussi, émouvant. Pourquoi le caractère du 90 Tertre Roteboeuf ? Du 95 Roc de Cambes ?
Le vigneron a-t-il le droit de signer ?